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La Fiscalité française applicable aux successions et donations dans un cadre international

La transmission de patrimoine (succession ou donation) dans un cadre international impliquant un élément français peut se révéler très complexe tant en matière de droit civil qu’en matière de droit fiscal, dès lors qu’il est nécessaire de tenir compte de la loi applicable dans chaque Etat.


Il conviendra donc, après avoir rappelé les différents cas d’imposition en France (1), d’exposer les règles fiscales françaises applicables en matière de succession et de donation (2), avant de s’intéresser à l’influence du droit de l’Union Européenne et des conventions fiscales internationales (3).



1. Les différents cas d’imposition en France

La transmission de patrimoine peut être imposable en France dans les trois cas suivants .


a. Le donateur ou le défunt réside en France


Si le donateur ou le défunt sont domiciliés en France au moment du fait générateur de la transmission du patrimoine, tous les biens meubles et immeubles de la succession sont imposables en France, quelle que soit leur nature et leur situation en France ou à l’étranger. Ainsi, les meubles corporels et les immeubles situés à l’étranger sont imposables en France, de même que les créances et valeurs mobilières étrangères ou encore les biens ou droits étranger composant un trust.


b. Le donateur ou le défunt ne réside pas en France


Il faut distinguer deux cas :


  • Le bénéficiaire est domicilié en France au jour de la transmission et l’a été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années : les biens meubles ou immeubles reçus situés en France ou hors de France sont imposables en France.


  • Le bénéficiaire est domicilié hors de France : seuls les biens français qu’il reçoit sont imposables en France (meubles corporels et immeubles situés en France, créances et valeurs mobilières françaises, actifs français d’un trust).


c. Le bien se situe en France et le défunt/le donateur et le bénéficiaire ne résident pas en France


En principe, l’Etat où est domicilié le défunt ou le donateur dispose du droit de taxer les biens présents dans le patrimoine du défunt au jour du décès ou du donateur. Néanmoins, la France conserve le droit d’imposer les biens situés sur son territoire. Cela peut conduire à des situations de double impositions. Dans ce cas, ce sont les conventions internationales bilatérales qui fixent les règles d’imposition.


Une fois déterminé que le bien est imposable en France, il convient d’appliquer les règles fiscales françaises d’imposition des successions et des donations.


2. Les règles françaises en matières de succession et de donation

a. Les règles de dévolution successorale


Hormis le cas de testament, lorsque le défunt a eu des enfants, les règles sont les suivantes :


  • Si le défunt ne laisse que des enfants issus du couple : le conjoint survivant a le choix entre l’usufruit de la totalité de la succession (les enfants recueillant la totalité en nue-propriété) ou le quart en pleine propriété (les enfants récupérant le reste).


Toutefois, s’il y a eu une donation au dernier des vivants pendant le mariage, le conjoint survivant peut recueillir le quart en pleine propriété et la totalité en usufruit ou la quotité disponible qui dépend du nombre d'enfants au jour du décès (s'il y a un enfant, la moitié de la succession, s'il y a 2 enfants, le tiers, et s'il y en a 3 ou plus, le quart).


  • Si le défunt laisse des enfants issus d'une précédente union ou ne laisse pas descendants, le conjoint survivant hérite du quart de la succession en pleine propriété et les enfants héritent des 3/4 de la succession, sauf donation au dernier des vivants.

En matière de testament, on ne peut en droit français prévoir de déshériter un des héritiers et il ne pourra être fait legs à un tiers que dans la limite de la quotité disponible.


En effet, les héritiers suivants, appelés héritiers réservataires, ne peuvent pas être exclus de la succession :


  • Les descendants,

  • ou, en l'absence de descendants, le conjoint


En l’absence d'héritiers réservataires, la personne peut prévoir de disposer de l'ensemble de ses biens par testament.


b. Le calcul des droits de succession et de donation


Pour le calcul des droits, il faut, dans un premier temps, imputer un abattement sur la valeur des biens hérités ou donnés, puis, dans un second temps, appliquer le barème progressif par tranche.


1°) Les abattements


Il convient d’imputer un abattement sur la valeur des biens hérités ou donnés. Le montant de l’abattement dépend du lien de parenté entre le défunt/donateur et le bénéficiaire/donataire.


L’abattement en ligne direct (parents – enfants) est de 100 000 euros, qu’il s’agisse d’une succession ou d’une donation.

Une donation entre grands-parents et petits-enfants ouvre droit à un abattement de 31 865 euros et une donation entre arrières grands- parents et arrières petits-enfants ouvre droit à un abattement de 5 310 euros. Ces 3 abattements sont cumulables avec un abattement spécifique aux dons familiaux en espèces de 31 865 euros à trois conditions :


  • Le donateur a moins de 80 ans

  • Le donataire est majeur

  • La donation intervient du vivant du donateur et doit être régulièrement enregistré


Enfin, les donations entre époux ou entre partenaires d’un PACS ouvrent droit à un abattement de 80 724 euros. Toutefois, aucun droit de succession ne s’applique entre époux ou entre partenaires d’un PACS


Le calcul de l’abattement se fait par parent et par enfant, tous les 15 ans (délai de rappel fiscal ou du rapport fiscal).


Il faut ensuite appliquer le mécanisme du rapport fiscal. En application de ce dispositif, en cas de donations antérieures consenties par le défunt au même bénéficiaire, la perception des droits est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la déclaration de succession, la valeur des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures, à l’exception de celles passées depuis plus de 15 ans.


Pour les donations de moins de 15 ans, le rapport fiscal a plusieurs conséquences :


  • Les abattements sont appliqués déduction faite de ceux dont les héritiers/donataires ont bénéficié sur les donations qui leur ont été consenties par le défunt depuis moins de 15 ans

  • Lorsque le barème progressif est applicable, les biens dont la transmission n’a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit sont considérés comme inclus dans les tranches les plus élevées de l’actif imposable. De ce fait, les tranches les plus basses qui ont totalement servi pour l’imposition des donations de moins de 15 ans ne sont pas utilisées et les tranches ayant servi en partie ne sont reprises que pour leur solde.

  • Les réductions de droit sont accordées déduction faite de celles dont ont profité les donations consenties par le défunt depuis moins de 15 ans.


2°) Le barème progressif par tranche


Après application de l’abattement, il convient d’appliquer le barème progressif par tranche ci-après (il s’agit du même barème pour les successions et pour les donations) :


Fraction de part nette taxable (P) - Taux applicable

< 8072 € - 5%

entre 8 072 € et 12 109 € - 10%

entre 12 109 € et 15 932€ - 15%

entre 15 932 € et 552 324 € - 20%

entre 552 324 € et 902 838 € - 30%

entre 902 838 € et 1 805 677 € - 40%

au-delà de 1 805 677 € - 45%


Une fois le calcul effectué pour chaque tranche, il faudra additionner les résultats par tranche pour obtenir l’impôt total dû.


  1. Les délais et les règles de prescription


a. en matière de successions


La déclaration de succession doit être déposée au plus tard à la fin du 6° mois suivant le mois au cours duquel le décès est intervenu, si le défunt était en France métropolitaine. Si le défunt n’est pas un résident français, la déclaration de succession doit être déposée au plus tard à la fin du 12° mois suivant celui au cours duquel le décès est intervenu.


En cas de contrôle de l’administration, en application des articles L180 et L186 du Livre des Procédures Fiscales, le délai de reprise court jusqu’à la fin de la 3° année suivant celle au cours de laquelle le décès est intervenu quand l’exigibilité des droits a été suffisamment révélée à l’Administration et jusqu’à la fin de la 6° année suivant celle au cours de laquelle le décès est intervenu dans les autres cas (notamment en cas d’omission de déclaration ou de nécessité de recherches ultérieures).


Il convient également de rappeler les grands principes en matière de droit de mutation à titre gratuit dans le cadre d’une régularisation de comptes étrangers pour un résident français. Tout d’abord, lorsque le contribuable a reçu par succession ou donation un compte bancaire suite à un décès intervenu avant le 1er janvier 2007, aucun droit de mutation à titre gratuit n’est exigible du fait de la prescription applicable.


Dans l’hypothèse d’un don manuel, à savoir une remise d’espèces déposés sur un compte étranger, un virement de compte à compte ou une modification du nom du titulaire, et que le donateur n’est pas décédé avant le 1er janvier 2007, la prescription ne court qu’à compter de la date de révélation du don, c'est-à-dire au moment du dépôt du dossier de régularisation ou au moment du décès du donateur après 2007, et le paiement de droits de mutation sur le montant des sommes données est exigible.


b. en matière de donations


La donation doit être révélée dans un acte (obligatoire pour les donations de biens ou droits immobiliers) ou sur un imprimé CERFA n°2735 (en cas de dons manuels) dans le délai d’un mois. Un don doit être déclaré à l’administration même s’il est inférieur ou égal au montant de l’abattement. La date d’enregistrement de l’acte permettra notamment de calculer le délai de 15 ans pour le bénéfice des abattements.


Les délais de prescription en cas de contrôle par l’Administration sont ceux applicables en matière de successions.


3.L’influence de la règlementation européenne et des conventions fiscales internationales

a. La règlementation européenne


Le règlement européen sur les successions internationales n°650/2012 du 4 juillet 2012 est entré en application le 17 août 2015. Il s’applique aux successions intracommunautaires, mais également aux successions internationales qui concernent les relations d’un Etat membre avec les Etats tiers.


Ainsi, en application de ce règlement, d’un point de vue civil, la succession d’un français installé à l’étranger est régie par la loi du pays où il avait établi sa résidence principale au moment de son décès.


Ce règlement vise les règles de droit civil et concerne pas les matières fiscales, douanières et administratives. D’un point de vue fiscal, la situation reste donc inchangée : chaque Etat conserve la possibilité de taxer comme il l’entend les successions internationales (sous réserve des conventions fiscales).


b. L’influence des conventions fiscales internationales


Nous avons vu précédemment que le principe en matière de successions est que l’Etat de domiciliation du défunt dispose du droit de taxer les biens présents dans le patrimoine du défunt au jour du décès. Par ailleurs, la France conserve le droit d’imposer les biens situés sur son territoire. Cela peut donc aboutir à des situations de double imposition.


Pour éviter cela, la France a prévu, à l’article 784 A du CGI, la possibilité d’imputer l’impôt payé à l’étranger sur l’impôt dû en France.


Toutefois, les conventions signées entre la France et d’autres Etats peuvent déroger à ce principe. Beaucoup de pays ont signé une convention fiscale en matière d’impôt sur les successions, notamment la Belgique, l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Espagne, l’Italie, Monaco, le Portugal, le Royaume-Uni, etc.


Certaines de ces conventions autorisent la France à calculer l’impôt exigible en France en appliquant une modalité particulière de calcul : la règle du taux effectif. Elle consiste à calculer l’impôt afférent aux seuls biens imposables en France au taux de l’impôt correspondant à l’ensemble des biens faisant partie du patrimoine du défunt qui auraient été imposés en l’absence des dispositions spécifiques d’exonération. Les conventions signées par la France prévoient l’application de la règle du taux effectif, que le défunt soit domicilié en France ou non au moment de son décès (bien que quelques conventions ne prévoient cette règle qu’à l’égard des non-résidents).


Il faut donc toujours se référer à la convention fiscale signée entre la France et l’Etat de résidence du défunt au jour de son décès pour connaitre les modalités d’imposition.


A noter que la France a dénoncé la convention signée avec la Suisse. Ainsi, pour tout décès intervenu à partir du 1er janvier 2015, tout héritier qui est ou a été résident français, au moins 6 ans au cours des 10 dernières années, sera imposé en France sur tous les biens dont il héritera, même si le défunt était fiscalement domicilié en Suisse (ce qui n’était pas le cas lorsque la convention était en vigueur, sauf pour les biens immobiliers situés en France). Par conséquent, les règles de droit interne s’appliquent sans restriction. L’article 750 ter du CGI (vu précédemment) fixe les règles de territorialité. En cas de double imposition, l’article 784 A du CGI prévoit que le montant des droits de mutation à titre gratuit acquitté hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France.


Enfin, il convient de relever que les conventions fiscales internationales destinées à éviter les doubles impositions en matière de donation sont peu nombreuses.


Conclusion

De nombreux Etats ont signé des conventions visant l’élimination de la double imposition en matière de succession et de donation. Néanmoins, la France, comme beaucoup d’autres Etats, a conservé le droit d’imposer une succession dans de nombreuses situations.


Pour chaque succession ou donation ayant un caractère international, il est donc très important de connaitre les stipulations du droit interne français, puis de se référer aux principes énoncés par la convention dont elle dépend. S’il n’existe pas de convention fiscales, il convient d’appliquer pleinement le droit interne français.

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